Contribution du Groupe Santé-Pesticides au Débat Public

Alerte des Médecins sur les pesticides Jean-Louis Levesque 06 16 46 35 05

Michel Menant 05 45 61 54 84

Jacques Brie 06 01 91 68 34

Michel Hortolan 06 75 86 81 98

L’exposition aux pesticides : un enjeu de santé publique

CONTRIBUTION DU GROUPE

SANTE-PESTICIDES AU DEBAT PUBLIC

1er livret Décembre 2018

Face à l’enjeu de santé publique que représente l’exposition aux pesticides, les quatre associations,

ALERTE des MEDECINS sur les PESTICIDES, VIGILANCE OGM et PESTICIDES 16, UFC QUE CHOISIR et CHARENTE NATURE, ont créé le groupe de travail SANTE-PESTICIDES.

Contact : sante-pesticides@lilo.org

En juin 2018 le groupe SANTE-PESTICIDES a lancé une série d’auditions permettant à un grand nombre d’acteurs d’exprimer leurs analyses sur la question de l’exposition des populations aux pesticides et de faire part des actions et mesures qui devraient, à leurs yeux, être prises.

Le but était de traiter de l’aspect sociétal de cet enjeu de santé publique et de contribuer à l’animation du débat public en proposant à de nombreux acteurs de s’exprimer librement en dehors du cadre habituel des débats et tables rondes au cours desquels les intervenants ne peuvent pas toujours aller au bout de leurs argumentations.

Pour ce faire, nous avons choisi une méthode favorisant l’écoute. Une fois qu’une organisation ou une institution avait accepté le principe de l’audition le groupe SANTE-PESTICIDES lui faisait parvenir le message suivant :

Madame, Monsieur,
Vous avez répondu favorablement à notre sollicitation pour une audition le xxx à xxx et nous vous en remercions sincèrement. Vos analyses et propositions seront précieuses pour faire avancer la prise en compte par la société de l’enjeu de santé publique que constitue l’exposition aux pesticides.
Nos quatre associations, ALERTE des MEDECINS sur les PESTICIDES, VIGILANCE OGM et PESTICIDES 16, UFC QUE CHOISIR et CHARENTE NATURE, ont créé le groupe de travail SANTE-PESTICIDES, à cette fin. Celui-ci s’intéresse prioritairement à
la situation des riverains des activités générant une exposition aux pesticides.
Dans ce but, nous lançons aujourd’hui cette série d’auditions qui permettront à un grand nombre d’acteurs d’exprimer leurs analyses sur des constats que tous maintenant connaissent, et de faire part des actions et mesures qui devraient, à leurs yeux, être prises.
Nous serons à votre écoute au cours d’un entretien qui comportera deux temps organisés autour de deux questions :
Au regard de vos compétences, de votre expérience, quelle est votre analyse de ces constats (voir document joint) ?
Quelles sont les actions et mesures qui devraient être menées et/ou prises ? Par qui ?
Dans l’attente du plaisir de partager ce temps d’entretien avec vous, nous vous exprimons nos cordiales salutations.

Tous les entretiens ont été menés de la même manière et ont duré entre une et deux heures. A la suite un compte-rendu rédigé par nos soins était envoyé aux personnes auditionnées accompagné du message ci-dessous :

Vous trouverez ci-joint le compte-rendu de notre entretien du xxx.
Comme annoncé, il est volontairement court. Vous pouvez nous faire part de vos remarques ou de votre acceptation pour qu'il soit publié en l'état, avant le xxx. Cette date passée nous considèrerons que vous le validez.
Restant à votre disposition, nous vous prions d'accepter nos cordiales salutations.

Dans les pages qui suivent vous trouverez :

  •   La feuille « Constats » envoyée avant les entretiens.
  •   La liste des organisations et institutions rencontrées.
  •   Les comptes-rendus des entretiens validés par les personnes auditionnées.

Ce 1er livret ne fait l’objet d’aucun commentaire de la part du groupe SANTE-PESTICIDES. Nous souhaitons qu’à la suite de la découverte des contenus des entretiens, chacune et chacun puisse se construire sa propre opinion quant à l’analyse des constats et des solutions qui pourraient être mises en œuvre.

Début février 2019 nous publierons un 2ème livret dans lequel nous ferons part des enseignements que nous tirons de toutes ces rencontres et des propositions qui, à nos yeux, pourraient utilement contribuer à la résolution des problèmes posés par cette question de santé publique.

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L’exposition aux pesticides : un enjeu de santé publique

CONSTATS

Le risque d’exposition aux pesticides concerne l’ensemble du vivant et donc la population.

  •   En Charente, nos associations sont souvent contactées par des personnes exposées aux pesticides. Les riverains de cultures agricoles que nous rencontrons font état de certificats médicaux attestant de troubles et de maladies dont l’origine pourrait-être attribuée à l’exposition aux produits phytosanitaires. Certains d’entre eux ont fait réaliser des analyses qui révèlent que des molécules de pesticides, identifiés comme appartenant à la famille de ceux utilisés en agriculture, sont présentes en nombre à l’intérieur de leurs habitations. S’ajoutent à ces atteintes à leur santé le sentiment d’être abandonnés face à un environnement humain proche indifférent ou porteur de menaces de représailles si elles se manifestent. L’isolement caractérise leur situation. Ils ne sont pas accueillis, pas écoutés, pas accompagnés.
  •   Cette situation n’est pas spécifique à la Charente. L’exposition aux molécules de synthèse est planétaire. A tel point que les protocoles scientifiques concernant la chimie et qui cherchent à évaluer l’incidence d’une maladie sur une population sont confrontés à la quasi-impossibilité de trouver des populations « témoin » qui soient comparables aux populations occidentales. Il resterait une partie de la Mongolie et le Bhoutan où les populations sont exemptes d’exposition aux pesticides. Sur les huit cent mille himalayens du Bhoutan, dont l’espérance de vie est de 70 ans, 3 cas de cancer de la prostate sont avérés. Aux Antilles françaises, pour une population équivalente ce sont 1320 cas qui sont comptabilisés. Quatre cents fois plus !
  •   Et c’est l’ensemble du vivant qui est concerné. La recherche menée par le Muséum National d’Histoire Naturelle pendant vingt ans sur le suivi temporel des oiseaux communs (STOC) met en évidence une disparition massive des oiseaux vivant en milieu agricole. Cette « disparition observée à différentes échelles est concomitante à l'intensification des pratiques agricoles ces 25 dernières années, plus particulièrement depuis 2008-2009. Une période qui correspond entre autres à la fin des jachères imposées par la politique agricole commune, à la flambée des cours du blé, à la reprise du sur-amendement au nitrate permettant d'avoir du blé surprotéiné et à la généralisation des néonicotinoïdes, insecticides neurotoxiques très persistants. ». Etude à mettre en lien avec le fait que 80% des insectes volants, dont la grande majorité sont des pollinisateurs, ont disparu en Europe en moins de trente ans.
  •   C’est un fait, l’exposition aux pesticides peut se produire directement dans le cadre de leur fabrication ou de leurs utilisations professionnelles ou domestiques, mais aussi indirectement par l’air, l’eau et l'alimentation. Si les professionnels de l’agriculture sont les premiers exposés, ils ne sont pas les seuls à développer des pathologies liées aux pesticides. L'ensemble de la population est à risque de maladie de Parkinson et de lymphomes non hodgkiniens, par ailleurs reconnus maladies professionnelles chez les exploitants et salariés agricoles. Les enfants de mères exposées professionnellement ou non, pendant la grossesse, sont à risque de tumeurs cérébrales, de malformations congénitales et de leucémie, ...

Vous rencontrer, vous écouter pour comprendre et proposer des actions et mesures qui devraient être menées et/ou prises, c’est l’objet de notre travail.

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ENTRETIENS SANTE – PESTICIDES

Le 3 juillet 2018 - Commune de Ruelle - MONSIEUR MICHEL TRICOCHE
Le 13 juillet 2018 - Chambre d’agriculture - MONSIEUR XAVIER DESOUCHE
Le 18 juillet 2018 - Assemblée Nationale - MONSIEUR JEROME LAMBERT
Le 23 juillet 2018 - Conseil Régional N-A - MADAME FRANCOISE COUTANT
Le 30 juillet 2018 - Sénat - MADAME NICOLE BONNEFOY
Le 2 août 2018 - Coordination Rurale de la Charente - MONSIEUR FRANCK OLIVIER
Le 3 août 2018 - Assemblée Nationale - MONSIEUR THOMAS MESNIER
Le 9 août 2018 - Préfecture de la Charente - MONSIEUR XAVIER CZERWINSKI
Le 29 août 2018 - DRAAF Nouvelle-Aquitaine - MADAME PASCALE CAZIN
Le 4 septembre 2018 - Agence Régionale Santé - MADAME MARTINE LIEGE
Le 13 septembre 2018 - Mutualité Sociale Agricole - MADAME EMMANUELLE JENNEPIN
et MONSIEUR PHILIPPE COUTIN
Le 26 septembre 2018 - Maison de l’Agriculture Biologique - MADAME CAROLE BALLU
Le 1er octobre 2018 - Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays Ruffecois – MADAME ISABELLE AURICOSTE
Le 8 octobre 2018 - Confédération Paysanne de la Charente - MADAME ROUSTEAU-FORTIN Le 9 octobre 2018 - FDSEA de la Charente - MONSIEUR PATRICK SOURY
Le 12 octobre 2018 - Assemblée Nationale - MADAME SANDRA MARSAUD
Le 2 novembre 2018 - Commune de La Couronne - MONSIEUR JACKY BONNET
Le 12 novembre 2018 - Conseil Départemental de la Charente –
MADAME MARIE HENRIETTE BEAUGENDRE et MONSIEUR JERÔME SOURISSEAU
Le 23 novembre 2018 - Société Charentaise d’Apiculture - MADAME JOSIANE VINUESA
Le 7 décembre - Association Phyto Victimes - MADAME OPHELIE ROBINEAU
Le 10 décembre 2018 - GrandAngoulême - MONSIEUR JEAN REVERAULT

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MICHEL TRICOCHE MAIRE DE RUELLE
Le 3 juillet 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

D’accord avec l’ensemble des constats, d’autant qu’il est le seul maire du département à avoir pris, en 2017, un arrêté pour protéger les habitants des épandages de pesticides. Son raisonnement a été simple : un arrêté ministériel protège, sur une certaine distance, les établissements abritant des « personnes vulnérables ». Ces mêmes personnes, une fois rentrées chez elles, ne sont plus protégées, c’est parfaitement injuste. Cet arrêté, qu’il savait être voué à l’échec, est le fruit de constats personnels (respiration de produits toxiques en voiture en pleine campagne...), comme de témoignages d’agriculteurs ou de riverains victimes de maladies liées à l’utilisation de ces produits. Le préfet a cassé son arrêté aux motifs que ce type de décision ne peut être prise que par le ministère de l’agriculture ou par son représentant local, à savoir le préfet.

S’en sont suivies de nombreuses rencontres avec des agriculteurs conscients du problème et qui se mettent au Bio, et la participation à un colloque de Phytovictimes à Libourne en 2017. En a résulté également la réception de nombreux témoignages écrits (une dizaine sur Ruelle, une centaine hors Charente). Il nous communique une liste de personnes ayant témoigné et que nous pouvons contacter.

Aucun appui ou presque des autres maires de Charente, ceux qui l’ont soutenu se comptent sur les doigts d’une main... Selon lui, les raisons en sont :

- cette question n’est pas assez populaire en termes « électoraux », les maires sont attachés à leur poste et ne veulent pas « se mouiller »,

- dans l’ensemble les élus sont timorés face à ces produits toxiques : nous avons beaucoup plus de témoignages de médecins que d’élus,

- la pression hostile du monde agricole (il a subi des manifestations hostiles allant jusqu’à des menaces), - la pression hostile du préfet.

Des exceptions : le cas de la sénatrice Nicole Bonnefoy qui fait un gros travail sur cette question et qu’il félicite.

Comment qualifier la situation ? Absolument dramatique, comparable à celle de l’amiante et à l’affaire du sang contaminé. La cause principale : le poids des lobbies de l’agrochimie et des milieux agricoles dominants.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Au niveau local toute action semble vouée à l’échec. Il faudrait déjà commencer par appliquer à l’ensemble des habitants les règles qui régissent les bâtiments publics les établissements accueillant du public et ceux visés par l’arrêté ministériel en vigueur. Les agriculteurs s’y opposent farouchement, la situation est bloquée. Nous avons face à nous à la fois la pression du monde agricole et celle de l’état qui poursuit au tribunal des initiatives comme celle prise à par la municipalité de Ruelle.

La solution ne peut venir qu’à la fois des agriculteurs et de l’état. Le soutien de syndicats agricoles comme la Confédération paysanne est réel mais ils sont trop minoritaires.

Parmi les mesures que doit prendre l’état : des mesures financières en faveur de l’agriculture bio, des aides pour accompagner les paysans à se convertir, des actions pour favoriser la diffusion de produits comme le purin d’ortie, les extraits d’algues etc. - appliquer la distance de 50 mètres selon l’arrêté en vigueur – prévoir des zones sans traitements dans les PLUI – renforcer la charte « Terre saine ».

Cela ne passera que par un changement en profondeur du modèle agricole. 4

ENTRETIEN AVEC MONSIEUR XAVIER DESOUCHE Président de la Chambre d’agriculture de la Charente Le 13 juillet 2018

Est également présent monsieur Marc THOMAS – Directeur de la Chambre d’agriculture de la Charente

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

La Chambre d’agriculture, elle aussi, reçoit des appels de personnes s’inquiétant d’exposition aux pesticides. Elle s’informe de la situation et met alors ces personnes en relation avec les agriculteurs concernés pour qu’un dialogue s’établisse, avec accompagnement par des élus ou agents de la Chambre d’agriculture, si évalué nécessaire.

La question de l’exposition aux pesticides est une réalité. Mais, en agriculture, le problème est moins important qu’il y a quelques années compte tenu des progrès techniques qui ont été réalisés, en particulier concernant les techniques et matériels de pulvérisation. L’ensemble des agriculteurs ont suivi des formations spécifiques à l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. Les produits phytosanitaires et leurs formulations ont également évolué, en lien avec les exigences accrues dans le process d’homologation et de mise au marché.

Pour autant, il faut savoir de quoi on parle. Les maisons sont exposées à la présence d’un grand nombre de produits autres que ceux utilisés en agriculture. Quand on parle de molécules de pesticides de quoi parle-t-on ? Quelles sont ces molécules ? Des molécules dites « agricoles » ou leurs composants sont également présents dans d’autres produits utilisés dans d’autres domaines d’activités non agricoles. Ces constats méritent d’être précisés, étayés, dans le cadre d’études complètes. D’autre part la question « exposition aux pesticides et santé publique » s’inscrit dans un cadre plus large qui doit intégrer la mondialisation et l’économie. La mondialisation pour les contraintes et exigences qu’elle impose, mais également par le fait qu’un pays seul ne peut pas faire bouger l’ensemble du système sans se mettre en danger économique et social. L’économie est en permanence présente sous les angles des emplois et des revenus des agriculteurs qui doivent pouvoir vivre de leur travail et être reconnus par la société. Si en Charente la viticulture se porte bien, il en va tout autrement des céréaliers. La Chambre d’agriculture craint de très grosses difficultés au niveau des marchés et de l’économie pour l’année qui vient, allant jusqu’à la disparition d’exploitations. Par contre, le modèle économique qui prévaut et domine les échanges mondiaux et locaux, n’est pas abordé par la chambre.

Dans le domaine traité, il est problématique de tirer des conclusions. Cependant, même si les recherches scientifiques contiennent toutes une part d’incertitude, nous ne pouvons pas tourner le dos à une réalité de préoccupation sociétale qui s’impose à tous. Sous réserve des propos précédents, et de précisions à apporter pour chacun d’entre eux, les constats présentés sont considérés comme des éléments à prendre en compte par la Chambre d’agriculture.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

La Chambre d’agriculture est convaincue qu’il faut continuer à accompagner les évolutions des pratiques des agriculteurs (par exemple : en finir avec la monoculture, limiter les labours, ...). Ceci ne peut se faire que dans un cadre qui se fixe comme objectif la pérennité économique des exploitations. C’est le facteur limitant incontournable. C’est pourquoi la Chambre d’agriculture défend l’idée d’une évolution et non d’une transition. L’évolution, compte tenu de la réalité de l’agriculture – travail avec le vivant, les contraintes météorologiques et climatiques, la notion de temps long pour analyser les effets des changements des pratiques, ... – ne se fait pas de manière linéaire mais par « étapes ».

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La transition suppose le passage d’un état à un autre état. Or, le nouvel état à atteindre à terme reste difficile à définir avec précisions. Dans cette situation, aucune analyse n’est susceptible de nourrir des changements de pratiques permettant de se projeter dans un autre modèle agricole, tout en assurant l’équilibre économique au présent, avec pérennité des exploitations.

Pour la chambre d’agriculture les solutions à mettre en œuvre doivent s’appuyer sur la recherche, l’innovation et l’adaptation locale. Celles-ci sont prioritaires et doivent être accompagnées par les pouvoirs publics. La Chambre d’agriculture se situant comme un maillon entre la recherche et les applications en vraie grandeur. Elle joue un rôle dans la vulgarisation et les conditions d’application.

Concernant les pesticides (produits phytosanitaires) le but est de baisser au maximum leur utilisation (baisse du nombre de traitements et des doses), par des progrès technologiques et des comportements différents, pour un résultat économique satisfaisant et pour la santé des agriculteurs. Dans ce cadre, la Chambre mène de nombreuses actions de démonstration, de tests, d’information et de formation sur les aspects, techniques économiques et environnementaux (plus de 1 000 viticulteurs formés sur l’année 2018) ainsi que des expérimentations inscrites dans le temps et accompagnées (exemple des fermes Dephy). La Chambre d’Agriculture participe à une action partenariale naissante : la rédaction d’une « charte pour l’usage des produits phytosanitaires à proximité des ERP », dont elle pense que celle-ci peut également concerner plus largement les riverains.

La Chambre d’agriculture intègre dans la mesure du possible les méthodes et techniques alternatives à l’usage des pesticides (produits phytosanitaires) mais pense :

  • -  Que les techniques et technologies actuelles ne sont pas suffisamment performantes pour répondre aux attentes sociétales qui s’expriment ou émergent. De plus tout éventuel changement de modèle doit permettre de préserver la pérennité économique des exploitations agricoles.
  • -  Que les alternatives à l’usage des produits phytosanitaires ne sont actuellement pas en mesure de répondre aux enjeux mondiaux ni aux diversités de situations au niveau de l’ensemble de la planète.
  • -  Qu’il est nécessaire de préserver la diversité des espèces, appelée la biodiversité, et qu’une grande prudence doit exister dans le recours à la génétique.
  • -  Que le "zéro pesticide" est irréalisable ou demandera beaucoup de temps. L’échelle temps est un paramètre majeur. Entre autres, car en raison des échanges économiques mondiaux, il y a toujours à faire face à de nouveaux insectes ravageurs et à de nouvelles maladies.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR JEROME LAMBERT DEPUTE DE LA CHARENTE
Le 18 juillet 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats sont partagés car ils décrivent des réalités connues. On est sûr aujourd’hui que les répercussions de l’exposition aux pesticides sont installées dans la durée. Il faudrait arriver à se passer des pesticides et le plus vite serait le mieux. Nous ne pouvons pas fermer les yeux.

Monsieur Lambert reçoit ou rencontre des personnes inquiètes concernant l’exposition aux pesticides. Il met alors en relation ces personnes et les agriculteurs concernés pour, quand c’est possible, qu’un dialogue puisse s’installer.

Il rencontre également un grand nombre d’agriculteurs et témoigne d’un grand changement dans les propos tenus depuis une dizaine d’années. La prise de conscience d’utiliser des produits dangereux (même s’ils sont autorisés) est réelle. Certains disent que si l’utilisation des pesticides est maîtrisée, le cycle de production peut être considéré comme normal. La composante économique – revenus des agriculteurs, transmission des exploitations, emplois, ... - est un incontournable pour faire face à la situation. Les besoins économiques des exploitations sont tels que leur viabilité peut basculer pour une évolution de quelques centimes d’euros sur une de leurs productions qui font l’objet de transactions en bourse.

Parmi les freins, on peut citer le rôle néfaste joué par des puissances financières vis-à-vis de l’utilisation des sciences.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Je suis membre du groupe d’étude parlementaire « Santé environnementale » de l’Assemblée Nationale. Ce groupe compte 19 parlementaires et est co-présidé par Delphine Batho et Jean-Luc Fugit. Il a été créé il y a quelques mois et ne s’est réuni à ce jour qu’une fois. Ce groupe pourrait être destinataire du rapport préparé par le groupe « SANTE-PESTICIDES » qui pourrait être auditionné par ce groupe d’étude parlementaire.

Le changement repose sur des nouvelles modalités de culture qui permettent la bonne santé économique des exploitations. Concernant une généralisation de l’agriculture « BIO », monsieur Lambert pense que pour les « grandes cultures », elle nécessiterait un peu plus de main d’œuvre.

La recherche a un rôle majeur à jouer et le travail doit plus porter sur de réels changements des pratiques que sur la recherche de nouveaux produits chimiques.

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ENTRETIEN AVEC MADAME FRANCOISE COUTANT Vice-Présidente Climat, Transition Énergétique de la région Nouvelle-Aquitaine Le 23 juillet 2018

Madame Coutant nous remet un document "Politiques régionales en faveur de la réduction et suppression des pesticides et de leurs effets sur la santé et l’environnement" ainsi qu’une présentation du projet "TIGA sur la sortie des pesticides en viticulture"

Pour les consulter http://www.charente-nature.org/SANTE-PESTICIDES.html

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Madame Coutant partage les constats présentés.

Elle témoigne du fait que la Région reçoit des témoignages manifestant de l’inquiétude et des courriers d’alerte. La question de l’exposition des riverains, surtout en milieu rural, est une réalité. Les études réalisées par ATMO en sont une matérialisation concrète. De même les difficultés à recruter dans le cognaçais pour le travail dans les vignes, si elles ne s’expliquent pas uniquement par les inquiétudes des postulants potentiels pour leur santé, sont un signe des craintes générées par l’usage des pesticides dans la viticulture.

Les témoignages du corps médical au CHU de Poitiers concernant les liens entre usage des pesticides et augmentation des lymphomes, sont également à verser au dossier des constats face auxquels il est urgent d’agir.

Madame Coutant témoigne également en tant que professeure de « Sciences de la vie et de la terre ». Elle enseigne en seconde et en première et expose le fait que les programmes scolaires intègrent ces enjeux au sein de la partie « Enjeux planétaires contemporains » qui traite de l’énergie, de la production alimentaire, des ressources, de l’eau et des sols. Ces programmes relèvent de la responsabilité de l’Etat qui met ainsi en avant la réalité d’un problème de santé publique.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Madame Coutant met en avant, pour ce qui est des politiques publiques et plus particulièrement pour le Conseil régional, l’importance de documents de planification exigeants.

La question du « comment travailler » avec ceux qui génèrent ces effets sur la santé publique reste à approfondir et à améliorer.

Les solutions pour faire face à une situation qui relève de l’urgence ne peuvent pas dépendre de seuls progrès et projets technologiques.

Les pratiques agricoles doivent davantage intégrer le préventif. Quant au curatif il doit utiliser des alternatives non chimiques et non impactantes sur l’air, l’eau et les sols.

Concernant l’exposition des riverains aux pesticides il faut généraliser les zones de protection sans pesticides.

L’éducation doit également jouer un rôle essentiel. A court terme, au nom de l’urgence, vers tous les publics adultes concernés directement par les changements de comportement et à long terme pour accompagner la transition écologique.

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ENTRETIEN AVEC MADAME NICOLE BONNEFOY Sénatrice de la Charente – Conseillère départementale Le 30 juillet 2018

Depuis de nombreuses années, madame BONNEFOY s’est très fortement investie sur la problématique des pesticides et plus particulièrement dans le cadre des travaux parlementaires au sein du Sénat. Elle l’a fait de manière globale et approfondie. Si la question de l’exposition des riverains est importante au regard des enjeux de santé publique, elle ne concerne qu’une partie du travail qu’elle a réalisé (dont son rapport de 2012) et des propositions (par exemple sous forme d’amendements) dont elle a été, et est encore, porteuse.

Les travaux concernés sont accessibles aux liens électroniques suivants :

- https://www.senat.fr/rap/r12-042-1/r12-042-11.pdf
- http://www.senat.fr/rap/r12-042-2/r12-042-2.html
- https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-792.html

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Madame Bonnefoy partage les constats présentés. Dans son activité de parlementaire et d’élue départementale elle reçoit des témoignages d’inquiétude. La question des riverains est importante, mais elle est indissociable de la problématique générale des pesticides. Elle constate que la pression sociétale fait avancer les choses.

Concernant les matières actives, les plus dangereuses ont été retirées. Celles qui sont utilisées sont autorisées puisque l’évaluation a permis leur mise sur le marché. Ce sont quand même des produits dangereux dont certains sont classés CMR (Cancérogène, mutagène, reprotoxique) ou perturbateurs endocriniens. Il n’est pas anodin de les utiliser, sans parler de l’effet « cocktail ».

Par-contre, il faut déplorer l’absence d’évaluations sérieuses des « effets cocktails ». Ceux-ci concernent les effets combinés des molécules de synthèse (matière active) utilisées en agriculture, mais également les mêmes phénomènes entre ces molécules et d’autres produits utilisés dans de très nombreuses activités en dehors de l’agriculture.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

La loi d’avenir de l’agriculture (2015) stipule que les pesticides doivent être bannis des cours de récréation, crèches, centres de loisirs et aires de jeux pour les enfants dans les parcs et jardins ouverts au public. Et elle interdit à l'Etat, aux collectivités locales et aux établissements publics d'en utiliser dans leurs espaces verts, forêts et promenades. Elle limite également l'épandage de produits phytosanitaires par les agriculteurs à proximité de ces mêmes lieux, ainsi que des hôpitaux, centres de santé et maisons de retraite. La pulvérisation de pesticides autour de ces lieux sensibles n’est pas interdite, mais seulement « subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou des dates et horaires de traitement permettant d’éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement ». Lorsque les mesures de restriction ne peuvent pas être mises en place, une distance minimale doit être déterminée par les autorités « en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux ».

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Pour ce qui est de la loi Egalim, la commission mixte paritaire, entre l’Assemblée nationale et le Sénat, n’a pas trouvé d’accord. Rendez-vous en seconde lecture à l’Assemblée nationale en septembre. Les sénateurs et sénatrices ont rejeté l’encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires à proximité des résidences. Ils ont également rejeté l’idée d’inscrire dans la loi l’obligation de concevoir localement, entre agriculteurs et riverains, des chartes « de bonnes pratiques ». Par-contre, ils ont voté pour la création d’un « fonds d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques ».

Madame Bonnefoy défend l’idée qu’il faudrait renforcer le rôle et les pouvoirs des préfets afin qu’ils soient garants du fait que les personnes et acteurs concernés se parlent et qu’ils puissent prendre des mesures quand un problème de santé publique surgit. Sa conviction profonde est qu’il nous faut sortir du recours aux pesticides, mettre en œuvre les alternatives non-chimiques et développer massivement la formation des acteurs de l’agriculture car les solutions existent. Cependant, la problématique « santé -pesticides » ne peut pas être affrontée uniquement à l’aide des seuls progrès techniques.

Elle est persuadée que chaque personne est porteuse de solutions. En effet nous sommes toutes et tous des consommateurs. Nous avons une part de responsabilité. Nous pouvons, par nos choix, influer fortement sur les modèles de production/consommation. Nous devrions pouvoir mesurer les conséquences de nos actes de consommation sur nous-mêmes. Afin d’accompagner cette évolution des comportements, les politiques d’éducation mises en œuvre localement devraient jouer un rôle moteur. Les élus locaux ont dans ce domaine une responsabilité à assumer.

Elle pense que les règles d’urbanisme pourraient prévenir l’incompatibilité habitations/épandages de pesticides.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR FRANCK OLIVIER Président de la Coordination Rurale de la Charente Le 2 août 2018

Monsieur Olivier nous reçoit dans le bureau de son exploitation et souhaite nous présenter en quelques mots sa vision de l’agriculture bio en grandes cultures qu’il pratique depuis 1984 sur 135 Ha. Ses enfants sont indécis dans la continuité du bio. L’un pratique une agriculture de conservation, l’autre s’installe pour une production de volailles en plein-air avec vente directe. Ils considèrent que le bio est techniquement faisable mais demande une quantité de travail considérable sans garantie d’une viabilité économique suffisante.

La tendance sociétale pour le bio est en expansion. Elle concerne principalement la viande, les volailles et les légumes. Pour l’élevage, la conversion en bio est plus facile ; il n’en va pas de même pour les grandes cultures et les légumes. Pour celles-ci, la difficulté majeure réside dans le fait qu’il a été investi beaucoup d’argent pour l’incitation à passer en bio, sans que des moyens conséquents ne soient aussi consacrés à la recherche appliquée permettant d’accompagner les agriculteurs dans leurs pratiques. Il en est ainsi par exemple des recherches (variétales et biocontrôle) sur la résistance des céréales aux insectes et aux maladies que l’INRA n’a pas menées. Ces recherches et d’autres, demandent d’être inscrites dans la durée sur plusieurs années et doivent donc faire l’objet d’investissements financiers importants.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Monsieur Olivier exprime qu’on ne peut pas réduire la question de santé publique aux seuls pesticides.

Comme dans toutes activités humaines certaines pratiques peuvent ne pas être correctes et des accidents peuvent arriver. Mais, si leur usage se fait dans des conditions techniques rigoureuses l’exposition aux pesticides ne devrait pas poser de problèmes particuliers aux riverains et ne peut pas être comparée à l’utilisation par les professionnels de l’agriculture. Pour ces derniers et les maladies reconnues comme liées à l’exercice de leurs métiers, les questions à traiter sont la quantité de produits et les doses utilisées, la nature des molécules et les durées d’exposition.

Monsieur Olivier exprime un doute sur la réalité d’un problème de santé publique spécifiquement liée aux pesticides. Mais dit que moins on en utilise, mieux c’est et qu’il est ouvert à des alternatives à condition qu’elles soient économiquement viables. Mais la notion de « zéro pesticide » est une notion fausse.

Les produits utilisés par les agriculteurs sont autorisés et plus de la moitié des céréaliers se sentent victimes d’incompréhension et surveillés par leur entourage, alors que globalement, la majorité des gens en milieu rural font confiance aux paysans. Néanmoins, moins on utilise de produits mieux cela vaut.

Il suggère que le travail de notre groupe aurait dû s’appeler « Santé – produits phytosanitaires et molécules médicamenteuses ».

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Pour monsieur Olivier, les solutions sont liées à la recherche technique et scientifique pour aller vers des pratiques culturales et l’utilisation de matériels très performants permettant l’utilisation de molécules de synthèse moins toxiques. Il est indispensable de corréler pratiques économiques et pratiques environnementales.

Il dénonce le fait que des produits alimentaires puissent, comme le pétrole, faire l’objet de spéculations boursières : la solution est de sortir les denrées agricoles de l’OMC. Il se dit insatisfait de ce que les Etats Généraux de l’Alimentation ont produit et que nous sommes toujours dans une situation où les denrées alimentaires ne sont pas achetées à un juste prix aux producteurs.

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La position de la Coordination Rurale c’est que les solutions sont à construire au niveau local. Concernant la question de l’exposition des riverains aux pesticides, elle devrait être traitée dans l’organisation de relations de voisinage. Nous n’attendons pas des lois ou des réglementations. Il faut faire confiance aux relations entre acteurs. Nous sommes pour des solutions au cas par cas, négociées et chiffrées avec des indemnisations aux agriculteurs concernés, dans le cas notamment de surfaces non cultivées à proximité des habitations.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR THOMAS MESNIER Député de la Charente
Le 3 août 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Sur la question de l’exposition aux pesticides, des retours de la population vers monsieur Mesnier existent, mais ils sont peu nombreux. Par-contre, la question du Glyphosate a donné lieu à un déferlement de messages. A cette occasion monsieur Mesnier à découvert à quel point l’agriculture charentaise était très consommatrice de pesticides.

Un travail mené par La REM a fait apparaître que la question de l’impact des pesticides sur la santé faisait partie des 5 premiers sujets de préoccupation des français.

Un groupe de travail vient d’être créé au sein de la majorité de l’Assemblée Nationale pour faire émerger la problématique des pesticides. Monsieur Mesnier constate au sein du groupe La REM une large prise de conscience mais pas encore une grande mobilisation. Par-contre, il est clair que c’est une des questions sur lesquelles les députés seront jugés.

Il rajoute aux constats présentés celui de la baisse de fertilité. Aujourd’hui, 1 enfant sur 30 est issu de la PMA (voir schéma ci-dessous).

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Monsieur Mesnier pense que chaque député doit mettre de l’écologie dans son domaine d’expertise. En tant que délégué national La REM, chargé aujourd’hui des questions de bioéthique, il va mettre en avant la problématique « santé-environnement » pour que soient élaborées des propositions. Le bureau exécutif de La REM sera saisi de cette question. Il est en contact avec Brune Poirson, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre d’État, Ministre de la Transition écologique et solidaire, pour envisager les façons de porter la question « pesticides-santé-environnement ».

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Il dit ne pas adhérer à l’idée de «catastrophe sanitaire» concernant la problématique «santé- pesticides ». Il faut engager une transition, diminuer l’utilisation des pesticides, les doses, travailler sur la toxicité des molécules. A court terme, il ne croit pas à la possibilité de passer à « zéro pesticide ». Mais il est important de tout mettre en œuvre pour tendre vers « zéro pesticide ».

Pour avancer sur ces questions il faut faire avec les agriculteurs et pas contre eux.

Chacun peut être acteur par son choix de mode de vie, ce qui implique une bonne information des consommateurs.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR XAVIER CZERWINSKI SECRETAIRE GENERAL DE LA PREFECTURE DE LA CHARENTE Le 9 août 2018

Monsieur CZERWINSKI se dit très sensible aux thématiques agricole et environnementale. Sa formation (ingénieur agronome, ingénieur des ponts et chaussées et des eaux et forêts, ...) l’a préparé et l’a « outillé » pour connaître et comprendre les questions soulevées par le groupe de travail « SANTE- PESTICIDES ».

Il précise qu’au cours de l’entretien son approche sera globale.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Monsieur CZERWINSKI partage les constats présentés.

Il a été fortement sensibilisé à la problématique des pesticides au cours d’une expérience professionnelle sur le territoire du Pouilly Fuissé (vignoble du Mâconnais) en 2012, qui voyait s’affronter un groupe de viticulteurs bio et l’Etat. Ce dernier imposant par arrêté des traitements chimiques pour lutter contre « la cicadelle de la flavescence dorée » et la maladie « du pied de vigne ». Ces viticulteurs se sont alors opposés à cet arrêté au nom de valeurs liées à l’agriculture biologique et en faisant valoir que cette obligation remettait en cause la viabilité économique de leurs exploitations. Cette action a eu le mérite de porter atteinte à l’omerta qui règne autour du recours à la chimie en agriculture et de mettre en évidence qu’un problème existe bien. Ce que constate monsieur CZERWINSKI c’est qu’encore aujourd’hui cette question est taboue car le sentiment général partagé par la grande majorité des acteurs (de la profession, des élus, des services, ...) c’est que l’on ne doit pas parler de ce que l’on pense ne pas savoir traiter. De plus, culturellement s’est imposée l’idée que ne pas suivre ces pratiques, c’est être arriéré. Et ceux qui sortent du bois pour lancer des alertes au nom du principe de précaution sont jugés comme rétrogrades et opposés à l’action alors que le principe de précaution est un principe d’action. Ainsi, ce modèle de développement agricole est devenu un dogme qui a mis l’agriculture sur une même trajectoire fortement majoritaire et impliquant une même politique publique. Industrialiser et mécaniser pour nourrir « en masse », ceci en lien avec les géants de la distribution, sont devenus les critères majoritaires de notre agriculture. Comme nous ne touchons pas au dogme, le modèle « chimie/mécanisation » n’est pas remis en cause. Nous sommes piégés et les agriculteurs avec nous, car les externalités négatives n’ont pas été prises en compte. Face à la concurrence les exploitations agricoles françaises « sont dans le rouge », en particulier à cause des emprunts réalisés, et se trouvent entraînées à entretenir ce modèle. Ce qui caractérise la situation c’est: une absence de choix stratégiques, pas de direction clairement exprimée, le manque de soutien à ceux qui sont prêts à évoluer. Ce qui est paradoxal c’est que l’intuition de la nécessité d’un changement profond existe mais que rien de significatif n’est engagé pour changer la trajectoire. De plus, toutes les prises de conscience qui existent chez une grande diversité d’acteurs n’arrivent pas à se fédérer. Le débat n’a pas été mis au bon niveau, la régulation de la mondialisation n’étant pas traitée à la bonne échelle. Ainsi nous n’avons pas su mener un bilan de ce modèle agricole et nous ne pouvons donc pas entamer positivement un travail de deuil le concernant.

Pourtant, entretenir l’agriculture et les agriculteurs dans ces pratiques est irresponsable.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Monsieur CZERWINSKI se dit partagé entre pessimisme (lucidité) et espoir concernant le rôle que peuvent jouer les consommateurs.

L’erreur consisterait à prendre des mesures, des dispositions, qui stigmatiseraient la profession agricole sans proposer des alternatives concrètes permettant la viabilité économique des exploitations. Sur le terrain chacun sait qu’un arrêté, pris alors qu’il ne peut pas être appliqué, a un effet désastreux vis-à-vis de l’objectif qu’il poursuit.

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Face au choc culturel que représente le fait que les modèles en cours appartiennent au passé, les élus

sont désarmés, alors que les solutions sont connues. Le temps est donc une donnée à prendre en compte afin de mener une réelle réflexion stratégique à 20 ans, en interrogeant le foncier, la fiscalité, en examinant le bien-fondé de la corrélation entre logique patrimoniale et logique de production, en déconstruisant les avantages financiers qui jouent sur le court terme.

Bien sûr changer de modèle de développement agricole a un coût qui peut paraître élevé aujourd’hui. Mais nous savons (les études économiques sur le sujet sont nombreuses) que si nous n’investissons pas X euros aujourd’hui, ce sont les générations futures qui auront à investir X fois cent pour faire face à la situation dont elles auront hérité. Nous sommes face à nos responsabilités.

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ENTRETIEN AVEC MADAME PASCALE CAZIN Directrice adjointe de la DRAAF Nouvelle Aquitaine Le 29 août 2018

Est également présente madame Catherine BLET-CHARAUDEAU (Référente Agroécologie).

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Il nous est dit que ces constats sont connus et pris en compte par le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Concernant la problématique « Santé-Pesticides » l’entrée première est celle des maladies professionnelles. Cependant la question de l’exposition aux pesticides des riverains est prise en compte car les plaintes sont une réalité. Elles concernent des inquiétudes exprimées par des riverains mais également des signalements pour non-respect de la législation par des agriculteurs. C’est une question sociétale. La DRAAF Nouvelle-Aquitaine reçoit peu de plaintes.

Le monde agricole a évolué et la prise en compte de l’entrée « Santé-Environnement » est réelle. Ces cinq dernières années, on est passé des constats à la prise en compte. L’enjeu c’est de passer à une autre conception du système des exploitations.

Malgré tout, des éléments culturels freinent la transition. Le modèle agricole mis sur les rails pendant les Trente Glorieuses, avec son système de formation dont les bénéficiaires sont encore sur le terrain, influence encore la vision des professionnels de l’agriculture. La prise de conscience existe mais il est difficile de passer de l’autre côté pour faire autrement sous les yeux de la génération des Trente Glorieuses.

Deux obstacles sont à lever. L’obstacle culturel qui entraîne de la résistance, qui peut être levé par la formation et l’accompagnement à la remise en cause et à l’acquisition de nouveaux savoir-faire. L’obstacle économique qui peut être levé par l’accompagnement au changement du système des exploitations sur 5 à 10 à ans pour faire face à la prise de risques qu’entraîne tout changement. Ceci est forcément lent.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Le plan Ecophyto est une mesure concrète mise en œuvre au niveau national. On peut en attendre des résultats positifs. Le plan Ecophyto 2 va prendre en compte la question de l’exposition des riverains sous la forme d’une recherche lancée à la fin de l’année 2018.

Mesdames Cazin et Blet-Charaudeau regrettent que la DRAAF ne soit perçue que comme « Pro agriculteurs » alors que la question ne se pose pas comme ça pour l’Etat. Elles signalent que dans les dispositifs de concertation certaines associations environnementales soient dans une posture d’opposition systématique et pose la question de l’équilibre dans la composition des instances de concertation.

Concernant la question « Santé-Pesticides » et l’exposition des riverains, elles pensent que si l’Etat légifère pour prendre des mesures d’interdiction qui contraindront tout le monde, le résultat sera de creuser encore plus le fossé entre agriculteurs et société. Il vaudrait mieux mettre en place des dispositifs d’accompagnement dont l’objet serait de combler ce fossé et des dispositifs d’information et de formation des citoyens pour qu’ils sachent ce qu’est une exploitation agricole.

Elles mettent en avant l’agroécologie même si on ne voit pas tout de suite les liens avec la question des pesticides. L’agroécologie peut, à terme, déboucher sur une réelle diminution de l’usage des pesticides.

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Parmi ce qui est fait, elles valorisent les collectifs et les certifications.

  • -  Les GI2E : Groupements d'intérêt économique et Environnemental sont des regroupements d'agriculteurs et d'autres partenaires autour d'un projet commun d’agroécologie orienté vers un mode de production plus écologique et plus performant, économiquement et socialement, afin de contribuer à la transition écologique. On compte 97 GI2E en Nouvelle-Aquitaine qui comptent environ 1500 exploitations.
  • -  Les fermes Dephy : Ils ont pour finalité d'éprouver, valoriser et déployer les techniques et systèmes agricoles réduisant l’usage des produits phytosanitaires tout en promouvant des techniques économiquement, environnementalement et socialement performantes. On compte aujourd’hui 3000 fermes Dephy. L’objectif est d’atteindre 30000 fermes.
  • -  Les certifications sont, elles, très nombreuses et relèvent de démarches individuelles des agriculteurs.

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ENTRETIEN AVEC MADAME MARTINE LIEGE

Responsable du pôle Santé publique et environnementale – Agence Régionale Santé

Le 4 septembre 2018

Sont également présents messieurs François Boissinot et Frédéric Boiroux respectivement responsable et technicien de la « Cellule Environnement extérieur ».

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Il nous est rappelé que nous sommes reçus par des fonctionnaires qui appliquent des textes votés par les législateurs. Les - premier et dernier - paragraphes des constats présentés concernent l’ARS qui les connaît et les prend en compte.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Concernant la possibilité pour les habitants de Nouvelle-Aquitaine de signaler un évènement de santé en lien avec les pesticides il existe un lien dédié :

https://www.nouvelle-aquitaine.ars.sante.fr/signaler-un-evenement-de-sante-en-lien-avec-les- pesticides-en-nouvelle-aquitaine

Le dispositif «PhytoSignal» a pour but d’assurer la gestion et la surveillance régionales des signalements ayant un lien avec les épandages agricoles ou non agricoles de pesticides. Centralisé à l'ARS, il est destiné à la population générale ou à ses représentants et prend en compte les expositions potentielles liées à des produits phytopharmaceutiques (protection des plantes) ou à des produits biocides (protection des populations).

Les signalements sont enregistrés et, si besoin, les personnes peuvent être mises en relation avec un médecin du centre antipoison.

Malheureusement, ce dispositif est très peu connu (les médecins de l’association « Alerte sur les pesticides » n’en avaient pas connaissance) et donc, il n’est pratiquement pas utilisé en Charente. De même l’information aux maires mériterait d’être renouvelée. Ceci est dû en partie au fait que l’ARS manque de moyens pour communiquer dans de bonnes et efficaces conditions. Il nous est dit que les actions « Santé Environnement » de l’ARS ont été impactées en raison de diminutions importantes des effectifs, mais les choses sont en cours d’amélioration.

L’ARS connaît de réelles difficultés pour communiquer sur ces questions au sein du monde rural et de la société civile. Les élus, parfois issus du monde agricole, ne prêtent pas toujours une oreille attentive aux recommandations de l’ARS. Les échanges sont cependant constants.

Concernant l’arrêté départemental sur l’exposition aux pesticides, l’ARS a défendu deux propositions qui n’ont pas été retenues :

  • -  Elargir le champ d’application aux territoires en grandes cultures.
  • -  Retenir les maisons des assistantes maternelles comme accueillant des publics vulnérables.
    Le point positif concerne l’avance considérable dans la bonne connaissance des pesticides dans l’eau potable.

Il n’en va pas de même sur le reste du bol alimentaire. Le suivi est aléatoire et n’a rien à voir avec le travail réalisé sur l’eau potable. C’est un vrai point faible.

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L’ARS souhaiterait pouvoir intervenir en amont des avis qu’elle a à donner en matière d’urbanisme, mais elle manque de moyens humains pour intervenir sur les PLU et les PLUi. C’est évidemment regrettable car l’idée d’urbanisme favorable à la santé doit être intégrée aux politiques publiques. Le Conseil de développement de Grand Angoulême a reçu l’ARS sur cette question. L’écoute a été de qualité et un constat a été fait. Les élus ont du mal à se saisir de la problématique Santé Environnement.

Au niveau national de nombreux travaux existent ou vont exister. Ils sont menés au sein (ou en lien) avec l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

- Exposition des professionnels aux pesticides.
- Mesures des pesticides dans l’air.
- Etudes épidémiologiques par exemple : GEOCAP étude de géolocalisation des cancers de

l'enfant en fonction de facteurs environnementaux.
- Etude multi sites sur l’exposition aux pesticides des riverains (au stade de l’étude de faisabilité).

Le 3ème Plan Régional Santé-Environnement (PRSE3) prévoit des formations « Santé Environnement » pour les médecins en lien avec l’université.

En Charente, il existe à l’hôpital de Girac une « chambre pédagogique » pour les futures mamans. Une « chambre pédagogique itinérante » devrait être créée.

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ENTRETIEN AVEC MADAME EMMANUELLE JENNEPIN ET MONSIEUR PHILIPPE COUTIN MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE

Le 13 septembre 2018

Madame Emmanuelle Jennepin est responsable du Service Prévention des risques professionnels, et le Dr. Philippe Coutin, médecin chef de service de Santé et Sécurité au travail de la Caisse de MSA des Charentes.

La MSA, organisme de droit privé en charge d’une mission de service public, est à la fois un régime de sécurité sociale et un organisme qui dans le cadre d’un guichet unique gère tous les droits sociaux des actifs agricoles et de leurs ayants droits tels que la retraite, les prestations familiales, ainsi que la santé et sécurité au travail. ... Une caisse centrale anime un réseau de 35 caisses régionales autonomes, telle celle regroupant les départements de Charente et de Charente-Maritime.

Il nous est présenté un diaporama qui précise toutes ses missions. Entre autres celles des services de santé et sécurité au travail des MSA qui regroupent des médecins, des infirmiers, des conseillers en prévention et des personnels administratifs et qui s’adressent à tous les professionnels de l’agriculture : exploitants, employeurs de main d’œuvre, salariés ... Un service « Santé et sécurité au travail » est présent dans chaque caisse. Concernant le risque chimique, la MSA a une approche globale incluant non seulement les pesticides mais aussi les autres risques : produits vétérinaires, gaz de fermentation, gaz d’échappement, hydrocarbures, désinfectants des bâtiments, fumées de soudages...

Parmi les -

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priorités :
Améliorer l’évaluation du risque chimique.
Former et sensibiliser les utilisateurs et les élèves.
Proposer un suivi individuel renforcé pour les salariés exposés aux CMR.
Mettre en œuvre des actions de prévention auprès des hommes et des femmes en âge de procréer.
Promouvoir le signalement au réseau phyt’attitude.
Poursuivre les études épidémiologiques en lien avec les partenaires extérieurs.
Participer à la veille sanitaire concernant les maladies à caractère professionnel.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Globalement la MSA partage le constat d’effets des produits chimiques sur la santé humaine. L’approche santé publique, santé humaine et environnement sont à prendre en compte.
Même si le paragraphe relatif aux riverains est hors de la compétence du service SST, elle recommande d’analyser chaque situation, chaque problème, avec une approche globale.

Quant aux incidences sur le vivant, cela revêt des compétences en agronomie qui n’entrent pas dans les missions d’un organisme de protection sociale. Sa contribution au débat s’oriente plus en faveur du développement de bonnes pratiques et de toutes démarches permettant de réduire l’exposition aux produits chimiques et leur utilisation. La MSA agit en tenant compte des évolutions de la réglementation, des connaissances scientifiques et techniques.

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2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

L’atteinte aux riverains des exploitations agricoles n’est pas du domaine direct des missions de la MSA. Néanmoins l’ensemble de ses missions se répercute de manière positive dans l’environnement des cultures, et elle préfère parler d’exposome1, considérant que l’exposition en un point donné peut provenir de plusieurs sources.

Ce que fait déjà la MSA :
- pédagogie auprès des acteurs professionnels, des industriels, des vendeurs,
- intervention dans les établissements d’enseignement agricole,
- conseil aux entreprises (gratuitement) tant sur les produits, l’utilisation du matériel, les délais de réentrée, les équipements spécifiques, les protections collectives et les équipements de protection individuelle,
- coopération avec la Chambre d’Agriculture, les organisations agricoles, les entreprises...
- contribution aux diagnostics en entreprises et à l’accompagnement des professionnels,
- participation aux réseaux régionaux et nationaux comme le réseau Phyt’attitude avec son numéro vert susceptible de faire évoluer la réglementation,
- participation à des études épidémiologiques et autres enquêtes.

Ce qui est souhaité :

  • -  Accentuer les recherches.
  • -  Eliminer les CMR (cancérogène, mutagène et reprotoxique).
  • -  Progresser sur la connaissance des PE (perturbateurs endocriniens) qui n’ont toujours pas trouvé

leur définition, et ceci dans le cadre d’une démarche globale tenant compte de leur présence dans beaucoup de produits de la sphère privée (ménagers, cosmétiques, mobiliers, peintures ...) et du fait que l’agriculture n’est pas en première ligne sur ce sujet.

-  Poursuivre les études : même si la difficulté de trouver des populations témoins est devenu réelle, rien n’empêche d’effectuer des études comparatives d’expositions.

-  Tenir compte des adjuvants, les molécules actives leur étant toujours associées, notamment les solvants qui sont présents dans tous les produits et qui présentent aussi un risque réel.

-  Réduire l’utilisation des herbicides grâce au développement de méthodes alternatives par la profession.

-  Faire évoluer la réglementation en restant en phase avec les conditions de travail réel.

-  Intensifier les recherches sur les alternatives pour sortir du modèle tout chimique et intensifier

les diagnostics et l’évaluation scientifique sur ces méthodes et l’accompagnement des acteurs.

-  Continuer à recommander aux utilisateurs de se protéger.

1 L'exposome est un concept correspondant à la totalité des expositions à des facteurs environnementaux que subit un organisme humain de sa conception à sa fin de vie en passant par le développement in utero, complétant l'effet du génome.

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ENTRETIEN AVEC MADAME CAROLE BALLU
Présidente de la Maison de l’agriculture biologique de la Charente
Le 26 septembre 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats sont partagés.

Madame Ballu rend compte des échanges qui ont lieu au sein de la MAB. Le sentiment général est que les pouvoirs publics ne font pas ce qu’il faudrait, or, ce sont eux qui ont le pouvoir d’arrêter l’usage des pesticides. Tant que les produits réputés dangereux continuent à être utilisés car autorisés, il n’y a rien à faire. Cet état de fait entraîne du découragement et de la démobilisation. La reconnaissance de la dangerosité des pesticides a du mal à exister au-delà de la communauté scientifique. Dans une gendarmerie, j’ai été témoin d’un dialogue entre un agriculteur et un gendarme qui l’avait convoqué à la suite d’une plainte déposée par une riveraine se disant victime d’exposition à des produits chimiques. J’ai été très étonnée par les propos du gendarme qui minimisait les choses et conseillait à l’agriculteur : « La prochaine fois, pulvérise du lisier. » C’est une preuve du manque de cadre de la part des pouvoirs publics, sur cette question. Si les gendarmes étaient formés à l’accueil des personnes venant effectuer ce type de signalements, de telles réponses ne seraient pas formulées. Je reçois de nombreux témoignages sur l’exposition aux produits chimiques par des personnes rencontrées sur les marchés où je suis présente.

Concernant les insectes les constats sont clairs. Il suffit d’observer les toiles des faucheuses au moment des foins. Il y a encore quelques années, elles étaient pleines d’insectes. Ce n’est plus le cas. Pendant les moissons, il y a quelques années, dix minutes après le remplissage de la trémie, une grande quantité d’insectes remontait à la surface. Aujourd’hui, à part quelques punaises, on assiste à la disparition massive d’insectes. Les voisins en conventionnel font le même constat. Cette année, j’ai dû polliniser les courges.

La dangerosité des molécules de synthèse utilisées est tout à fait connue par les agriculteurs. Les agriculteurs « conventionnels » en parlent. L’expression « cancers d’agriculteurs » est souvent utilisée et pourtant nous sommes face à un déni de la responsabilité des pesticides. Ces comportements sont culturels, liés à des charges de travail énormes ne laissant que peu de temps pour s’informer et liés à un contexte économique qui empêche souvent d’affronter le changement. La formation n’a pas l’impact qu’elle devrait avoir.

Madame Ballu regrette que l’agriculture biologique soit victime de désinformation. Certains arguments sont créés pour être répétés à l’envie dans de multiples réunions où on les entend exprimés de la même manière. Ainsi en est-il du bilan carbone de l’agriculture qui serait moins bon que celui de l’agriculture conventionnelle compte-tenu du carburant utilisé pour les nombreux passages mécanisés. Ce n’est pas sérieux et il est facile de montrer qu’il n’en est rien si l’on fait le recensement de toutes les sources de stockage du carbone ou de production de gaz à effet de serre par les intrants. De même, concernant l’usage du cuivre l’agriculture biologique a parfois un IFT (indice de fréquence de traitements) élevé mais cet indicateur ne doit pas masquer les quantités globales utilisées. Seule l’agriculture biologique est limitée en apport annuel de cuivre par son cahier des charges. L’agriculture biologique est la réponse la plus aboutie aux questions posées par les pesticides.

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2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

L’Etat devrait siffler la fin de la partie. Le principe de précaution n’est pas utilisé.

Les distances à imposer entre les cultures soumises à des pulvérisations de pesticides et les habitations peuvent apparaître comme une bonne solution. Ce n’est pas forcément le cas. La volatilité des produits pose un vrai problème et nos connaissances sur cette volatilité sont insuffisantes. Privilégier des moments plus que des distances ? Sans doute pas facile à mettre en application, mais peut-être y réfléchir ? Des recherches devraient être menées sur ce sujet. Finalement on ne fait que reculer l’échéance. Au bout du bout, il faudra supprimer l’usage des pesticides de synthèse. Ce ne sera pas la première fois que la société se trouvera confrontée à la nécessité de prendre des décisions radicales, sans lesquelles de graves désordres ne peuvent que perdurer (l’amiante, l’utilisation de la ceinture de sécurité, l’égalité Homme/Femme, ...). Nous devrions être capables de présenter à la population des scénarios clairs : voilà la situation et ses conséquences avec le recours aux pesticides et voilà la situation et ses conséquences sans le recours aux pesticides. Que voulons-nous, que choisissons-nous ?

Dans la situation actuelle où des conflits locaux naissent sur cette question de l’exposition des riverains aux pesticides, il y a besoin de créer une structure ou un comité de médiation spécialisé. Sans doute sous forme associative mais en lien étroit avec les institutions. En effet, les agriculteurs conventionnels qui travaillent énormément et développent de très fortes compétences, se sentent agressés et méprisés. Cette réalité doit être prise en compte par la société. Leur parole doit être entendue, sinon aucune évolution n’est envisageable. Bien sûr, au début ça fait des étincelles, mais il faut en passer par là.

Concernant l’agriculture biologique la suppression des aides « au maintien » a été une très mauvaise nouvelle. Surtout qu’elle s’est faite au profit d’aides qui concernent des pratiques en réalité incontrôlables.

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ENTRETIEN AVEC MADAME ISABELLE AURICOSTE

Présidente du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays Ruffécois

Le 1er octobre 2018

Sont également présents : Monsieur Jérôme MOREAU – Chargé de mission « environnement » et monsieur Guillaume QUENEAU – Chargé de mission « santé, sports, solidarité ».

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats sont partagés. Ils nous sont connus depuis longtemps. Cependant, depuis deux ou trois ans, nous en entendons beaucoup plus parler. L’aspect négatif des propos tenus sur les questions environnementales et sur la relation santé-environnement est majoritaire. Nous côtoyons des personnes malades qui font un lien entre leurs maladies et la qualité de l’environnement. On sent qu’une dynamique est en train de s’inverser. L’évolution de nos paysages ruraux, la disparition des oiseaux et des insectes que tout le monde peut constater, jouent un rôle dans la perception de leurs milieux de vie par les habitants de nos territoires. Pour autant, nous constatons également une résistance des agriculteurs à admettre la réalité – même s’ils se disent conscients de la dangerosité des pesticides - car, cette reconnaissance impliquerait des changements radicaux dans les pratiques. La formation qu’ont reçu les agriculteurs, a une forte responsabilité dans cette résistance au changement. Mais, les agriculteurs ne sont pas seuls à se positionner de cette manière. Des élus, la population, ont intégré que le modèle agricole mis en place après la deuxième guerre mondiale est le seul viable et que ce n’est pas possible de faire autrement. Il est symptomatique de constater qu’un élu peut être à la fois, exemplaire quand il s’agit de mettre en place du « zéro pesticide de synthèse » pour les espaces publics et très réticent pour changer son modèle d’exploitation. Un autre élu agriculteur peut mettre en œuvre des mesures « zéro pesticide de synthèse » dans sa commune mais ne pas les afficher en raison de la crainte du regard de ses collègues agriculteurs.

Concernant les politiques qui peuvent être mises en œuvre sur nos territoires, nous sommes obligés de constater une réelle baisse des moyens financiers dont nous pouvons disposer. Nous avons perdu les contrats de cohésion avec le département. La généralisation des appels à projets est également une des raisons de cette baisse de moyens. En effet, ceux-ci ne sont pas ajustés à la spécificité des territoires. Qu’il s’agisse de l’Etat ou du Conseil régional, les politiques développées sont verticales et coupées du terrain avec comme conséquence un manque de souplesse dont nous bénéficiions il y a encore quelques années. Par exemple, les formations, axe important de nos actions, sont de plus en plus difficiles à organiser localement et leur ouverture à des publics diversifiés (exemple de l’insertion) n’est plus possible. Nous faisons le constat qu’il devient très difficile de mener des politiques cohérentes inscrites dans la durée. Pour ne pas agir au « coup par coup » il est nécessaire d’avoir de la visibilité.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Ce qui est fait :

La difficulté, c’est de toucher des publics « non convaincus ».

Depuis 2004 notre Pays travaille sur ces questions environnementales. Nous avons au début investi la question des usages de l’eau avec comme ambition de modifier la partie de ping-pong entre acteurs qui ne débouchait sur rien. Concernant les pesticides, le travail s’est fait avec les collectivités qui dans notre esprit devaient devenir les vitrines des changements de comportements et de pratiques. En 2012, 48 communes sur 89 ont délibéré pour que, sur de nombreux espaces, soient installées des pancartes portant le texte : « Votre commune gère cet espace sans pesticide pour votre santé ».

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La question reste toujours : comment entrer dans la problématique ? Nous y répondons avec une grande diversité d’actions soit spécifiques soit intégrées à des manifestations existantes (marchés, l’exposition florale, ...). Il s’agit de conférences, d’expositions, de ciné-débats, d’animations. A ce titre, nous remarquons que l’entrée « pollinisateurs » est très porteuse car elle accroche les personnes par le lien direct qu’elle introduit avec la perpétuation de la vie. Ainsi est mis en évidence le fait que les mécanismes indispensables à la vie échappent à l’action humaine. Le thème de « la santé » est également une entrée très favorable à poser les bonnes questions. Elle peut être traitée à partir des questions que pose la gestion des locaux, des produits utilisés, de la cosmétique, mais également en abordant la santé des enfants qui sont « des sentinelles de l’environnement ».

L’organisation de formations est pour nous une action inscrite dans la durée et qui doit s’adapter au renouvellement des agents des collectivités et des élus. Elles sont organisées pour développer des compétences sur la mise en œuvre du « zéro pesticide de synthèse » (aujourd’hui avec les difficultés vues dans la partie « constats ») sur mesure et sur le territoire. A ce jour, elles ont concerné 170 agents et autant d’élus. Elles ont abordé 14 thématiques en 25 sessions. Les résultats sont très positifs. Bien sûr au départ les résistances ont été fortes, les plus réticents au début sont aujourd’hui les meilleurs ambassadeurs des démarches apprises.

Notre Pays a également acquis du matériel de désherbage non chimique et l’a mis à disposition des communes.

Toutes ces expériences accumulées pendant 14 ans et leurs leçons sont aujourd’hui réinvesties dans la rédaction de notre SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale) qui, entre autres, préconise des mesures d’urbanisme qui créent des zones tampons entre habitats et cultures agricoles.

Ce qui pourrait être fait :

Tout d’abord apporter des réponses concrètes aux difficultés dues à la verticalité des relations entre les territoires locaux et les institutions Etat et collectivités territoriales.

Ensuite, il serait important que les législateurs votent des textes qui mettent en perspective une politique volontariste et donnent des échéances claires. Il en a été ainsi pour des changements radicaux qui ne seraient pas faits sans le recours à la loi. La loi d’orientation agricole devrait fixer un objectif « vers zéro pesticide de synthèse » et donner une date butoir (par exemple à 10 ans) à laquelle la transition devrait être effectuée. Bien évidemment l’Etat et les collectivités territoriales devraient mobiliser des moyens financiers conséquents pour l’accompagnement (formations, recherche, expérimentations, échanges d’expériences et de pratiques, garanties de revenus pendant la mise en œuvre des changements, ...) de cette transition.

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ENTRETIEN AVEC MADAME ROUSTEAU-FORTIN Confédération paysanne
Le 8 octobre 2018

Sont également présents, messieurs MANGUY Jean-Luc et ROUSSEAU Laurent.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats sont partagés. Il est intéressant de prendre en compte les données de l’étude du professeur BEN BRIK (menée à partir de prélèvements de cheveux dans le champ des activités viticoles). Les malformations touchant des bébés ont récemment alimenté les débats. Que faut-il en penser alors qu’aucune cause n’est aujourd’hui identifiée ?

Un autre constat : le plan Ecophyto n’a rien fait changer.

Ce sont les professionnels de l’agriculture qui sont les premiers touchés - voir le site https://www.phyto- victimes.fr/ - et ceux qui font connaître les cas de maladies dont le lien avec l’usage de pesticides est très probable, sont isolés par la profession. L’exemple des procès faits à la coopérative TRISKALIA et la position de la MSA dans ce cas précis, montrent à quel point il est difficile de faire entendre l’idée de catastrophe sanitaire. L’économie apparaissant à chaque fois comme un argument pour ne pas prendre en compte des faits avérés. Seules deux maladies sont reconnues comme maladies professionnelles dues aux intrants chimiques (la maladie de Parkinson, et le lymphome non-hodgkinien), c’est bien en dessous de la réalité.

Concernant la disparition des oiseaux, les pesticides ne sont pas les seuls responsables. Le modèle agricole dominant est grandement en cause. Ce modèle agricole conduit à des impasses sociales. Si nous prenons l’exemple de la production de lait de chèvre, entre 2010 et 2017 elle est restée stable avec une très légère baisse, alors que le nombre de points de collecte et de producteurs a baissé de 30%. Le phénomène d’accaparement des terres est une évolution tout à fait inquiétante.

Nous sommes confrontés à un double discours. Si nous prenons l’exemple de la viticulture, d’un côté les maisons de négoce, le BNIC, encouragent les pratiques vertueuses (baisse de l’indice de fréquence des traitements, nouvelles pratiques dans le travail du sol, ...) et d’un autre côté ils incitent fortement à des productions très élevées (car elles sont mieux rémunérées) qui entraînent l’usage important d’intrants chimiques.

Concernant l’agriculture biologique les constats sont à nuancer. La société l’appelle de ses vœux et depuis deux ou trois ans les progrès en termes d’installations ou de conversions sont importants. Pour certains agriculteurs conventionnels la bio est une porte de sortie économique car les prix sont rémunérateurs. Dans la production laitière les conversions sont très nombreuses et on constate des avancées importantes pour les grandes cultures avec des pratiques très techniques issues de l’agriculture conventionnelle. Ces approches n’intègrent pas forcément un élément important du changement de modèle agricole : l’autonomie des exploitations.

Autres constats :

  • -  Les incohérences des politiques publiques. L’exemple des obligations qui sont faites aux agriculteurs pour lutter contre la flavescence dorée et qui sont aberrantes.
  • -  Les résultats des états généraux de l’alimentation, qui étaient un beau projet, sont très décevants avec une valorisation des filières les plus libérales.
  • -  Les paysans sont opposés les uns aux autres, ils ne s’écoutent plus et rien n’est fait pour affronter cette réalité.

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2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Il faut à terme sortir des pesticides. Mais le contexte actuel n’est pas le bon. La mondialisation, le libre- échange, la situation des agriculteurs souvent couverts d’emprunts, les concurrences injustes, les systèmes des exploitations très soumis à la seule technique, des politiques publiques qui n’accompagnent pas le changement, autant de raisons qui empêchent d’envisager un changement brutal.

Des solutions sont possibles :

  • -  Supprimer rapidement l’utilisation des agents chimiques CMR (Cancérogènes, Mutagènes ou toxiques pour la Reproduction).
  • -  Créer des zones tampons près des habitations, non traitées ou cultivées en bio, avec un accompagnement financier réservé aux agriculteurs.
  • -  Appliquer le principe pollueur-payeur.
  • -  Adapter la fiscalité à la lutte contre les pesticides de synthèse en les taxant plus lourdement.
  • -  Améliorer les moyens de la police de l’environnement pour qu’elle fasse son travail.
  • -  Accompagner la sortie des pesticides d’une orientation sociale en plafonnant les aides et en les

indexant sur le nombre d’emplois sur les exploitations.

-  Orienter le deuxième pilier de la PAC vers la sortie des pesticides et la conversion du modèle

agricole.

-  Donner aux chambres d’agriculture la mission prioritaire et forte d’accompagner les agriculteurs

dans la conquête du changement de modèle agricole.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR PATRICK SOURY Président de la FNSEA Charente
Le 9 octobre 2018

Sont également présents, messieurs DANIAU Christian (grandes cultures), FOUCHE Patrice (animateur FNSEA 16), LASSOUDIERE Jean-Luc (viticulture) et SALLAT Jean-Bernard (élevage – viande).

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Face aux constats présentés le ressenti exprimé est celui d’un document agressif pour les agriculteurs. D’une manière générale, nos collègues se sentent agressés. Nous sommes victimes au niveau national de procès injustes, alors que nous sommes en perpétuelle évolution. Nous utilisons des produits autorisés. Dans le cadre du commerce international, d’autres pays que la France, utilisent des molécules de synthèse que nous n‘utilisons pas. Les consommateurs français ne regardent pas les différences entre les produits issus de ces différentes pratiques.

Concernant l’étude « CNRS – MNHN » nous contestons le fait que nous soyons ciblés comme les seuls responsables de cette situation. Nous pouvons prendre notre part de responsabilité, mais il faut que les autres causes soient bien identifiées.

Pour ce qui est des maladies, leur classement est l’affaire du législateur.

Nous savons que nos tenues de travail déclenchent des réactions, des questionnements, mais compte- tenu des techniques que nous utilisons, des pratiques qui sont les nôtres, nous considérons les accusations, portées contre nous, très injustes. L’agriculture est le plus beau métier du monde, car il s’agit de nourrir la population.

Il faut ajouter aux constats que l’agriculture est une activité économique et que la PAC a été créée après la deuxième guerre mondiale pour concourir au maintien de la paix, par l’autosuffisance alimentaire. Comme dans toute activité économique l’approche comparative « avantages – risques » doit être utilisée.

La dimension économique de l’agriculture comporte plusieurs volets :

  • -  Les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail. La question de leurs revenus est essentielle.
  • -  L’agriculture française n’échappe pas à un contexte international. Elle subit des contraintes extérieures et doit s’adapter aux marchés. Ceci pose la question de la régulation (exemple des poulets consommés en France, 6 sur 10 sont brésiliens ou argentins). Or, l’agriculture est une activité qui ne répond pas aux critères d’une économie libérale car elle est un service public chargé d’assurer notre souveraineté alimentaire et de remplir d’autres missions comme par exemple l’occupation de l’espace. Ceci n’empêchant pas d’exporter une partie de notre production.
  • -  La production de produits alimentaires suppose que l’acte de consommation soit responsable. La responsabilité du consommateur est très importante et devrait jouer un rôle de régulation pour qu’il soit possible de s’affranchir des contraintes internationales. Par exemple, concernant la production de produits issus de l’agriculture biologique, les consommateurs sont-ils « prêts à mettre la main à la poche » ?

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2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

« Aujourd’hui c’est mieux qu’hier et moins bien que demain. »
Sur cette question des pesticides, la mauvaise perception de nos activités a plusieurs causes :

-

- - -

Nous n’avons pas suffisamment communiqué, par un manque de moyens, sur les efforts faits par la profession depuis plusieurs années.
Des communicants extérieurs à notre profession se permettent de parler à notre place.
Notre métier, touche à la santé et donc à la vie.

Nous n’avons pas suffisamment anticipé.
Il faut mieux se connaître pour mieux se comprendre. C’est par le contact direct avec nos exploitations, sur le terrain, que la compréhension peut faire des progrès.

Nous
arrivés dans nos pratiques à un très haut niveau technologique.

n’attendons pas des interdictions mais des solutions qui prennent en compte que nous sommes

Il faut donner du temps et des moyens pour trouver les alternatives et les mettre en place. Sachant que pour certaines situations, les alternatives n’existent pas.

La réalité c’est que c’est très compliqué de sortir des pesticides et qu’il n’est pas possible de décider que nous allons nous priver de la possibilité de faire face à des situations que nous ne connaissons pas encore. Nous sommes pour une réduction raisonnée de l’usage des produits de santé végétale.

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ENTRETIEN AVEC MADAME SANDRA MARSAUD Députée de la Charente
Le 12 octobre 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Madame la Députée indique qu’elle intervient non pas en spécialiste du sujet, au sens scientifique, mais à travers son expérience professionnelle passée d’urbaniste sensibilisée à cette question et en tant que députée au sein de la commission développement durable à l’assemblée.

Madame la Députée est donc inscrite à la commission permanente « Développement durable et de l’aménagement du territoire » au sein de laquelle la question des pesticides a été abordée à plusieurs reprises. Car au sein des commissions sont menées des auditions toutes les semaines, des avis sont donnés sur les nominations de cadres d’institutions de l’Etat en lien avec l’environnement. Elles examinent les textes de loi émanant du gouvernement ou des assemblées et proposent des amendements en lien avec le périmètre de la commission. Il existe aussi un lien fort entre cette commission et la commission des affaires économiques, notamment sur la thématique agricole. Les députés sont complémentaires en raison de leurs connaissances et de leurs engagements.

Sur l’exposition aux pesticides madame Marsaud fait le lien terres agricoles/urbanisme, et suppose que c’est notre façon de vivre qui a sans doute conduit à cette situation et qui est remise en cause. L’autorisation d’habitations proches des cultures agricoles, n’aurait-elle pas renforcé l’exposition des riverains aux pesticides ? La croissance exponentielle des constructions, notamment constatée dans le cadre de ses missions dans les années 2000-2008, associée à un usage toujours important des pesticides, a peut-être augmenté l’exposition des riverains aux pesticides. Les urbanistes sont depuis longtemps confrontés dans les réunions de travail et publiques (PLU, SCOT, ...) aux questions, aux inquiétudes des habitants mais aussi à la volonté toujours croissante de ceux-ci de s’installer à la campagne, souvent sur des terres agricoles.

Une prise de conscience généralisée est née sans doute du Grenelle de l’environnement, et la loi agricole dernièrement votée a aussi été l’occasion de reparler de cette problématique. Notamment lors des débats sur l’étiquetage des produits alimentaires et leur origine, par exemple en décrivant les pratiques agricoles qui ont été utilisées pour la production des produits alimentaires, ou encore avec la réforme de la restauration collective (minimum de 50 % des produits d’origine locale et au moins 20 % de produits issus de l’agriculture biologique).

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Il faut en tirer des analyses des politiques publiques pour faire des propositions.

Les outils existent avec notamment les documents d’urbanisme qui ont l’ambition de traduire des projets de territoires. Des zones tampons peuvent être d’ores et déjà prévues dans les documents d’urbanisme, des orientations d’aménagement. L’enjeu est plutôt du côté de la nécessaire acculturation de l’aménagement à poursuivre. Avec la loi SRU, depuis 18 ans, les élus sont amenés à réfléchir et à gérer l’accroissement du nombre d’habitants et du développement urbain.

« J’ai envie qu’on se passe de pesticides et je pense que c’est possible. » D’abord ça se fait déjà : citons l’agriculture biologique. Citons également des pistes comme la production par la société « Immunrise » de produits de bio contrôle. Il convient de le faire passer dans les pratiques. Il faut aussi du temps pour les faire homologuer. Le principe de précaution peut être utilisé avec les textes existants.

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La reconquête des logements vacants dans les centres-bourgs et centres-villes est aussi un moyen de ne pas rapprocher les habitants des cultures agricoles. Le département de la Charente doit se saisir de la question des logements vacants de manière plus large. Les moyens de financement de l’ANAH peuvent y contribuer. Il nous manque aujourd’hui des retours sur les effets des modifications liées aux politiques en matière d’urbanisme et d’habitat. Nous ne sommes pas performants dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques notamment s’agissant des politiques locales de l’habitat. Pour les responsables politiques aujourd’hui, l’enjeu est de renforcer l’évaluation des politiques publiques afin peut-être de moins légiférer et plus adapter les textes existants.

Les services de L’Etat doivent toujours et encore faire preuve de pédagogie, et inciter à la revitalisation des villes des bourgs et des villages. Enfin, les agriculteurs sont isolés et il faut les accompagner dans une évolution car c’est difficile de changer de pratiques.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR JACKY BONNET Premier adjoint de la commune de La Couronne Le 2 novembre 2018

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats sont partagés mais monsieur Bonnet souhaite les inscrire dans une approche plus globale.

Le contexte social et environnemental génère une situation anxiogène dans laquelle la population a le sentiment de subir. Les pesticides alimentent le questionnement sur le devenir des générations futures. Les inégalités sociales sont perçues comme les conséquences d’un modèle qui privilégie le profit à court terme. Les pesticides s’inscrivent dans cette logique et sont au service d’une alimentation industrialisée générant des profits acquis rapidement. Alors qu’il nous faudrait un modèle qui sauvegarde la terre nourricière et ceci dans le long terme.

Il nous faut répondre à un enjeu crucial : nourrir un peu plus de neuf milliards d’habitants à l’horizon 2050 tout en sauvegardant notre capital naturel. Une transition est obligatoire. Comment l’assurer ?

Nous pensons qu’il faut travailler à des échelles territoriales humaines sur des projets « Santé – Alimentation – Agriculture » et tout mettre en œuvre pour qu’une agrégation de ces projets se construise en coopération et non en concurrence. Ceci suppose l’existence d’un dialogue territorial vivant et soutenu par les institutions.

Concernant l’exposition aux pesticides les constats suivants peuvent être listés :

  • -  Ces produits sont autorisés. Il serait nécessaire de revoir le processus des autorisations de mise sur le marché.
  • -  Les mesures effectuées par ATMO en milieu urbain montrent bien la présence de molécules de synthèse utilisées dans l’agriculture.
  • -  L’effet «cocktail» des pesticides utilisés n’est pas pris en compte, ni celui de l’effet « cumulatif » de ces produits qui s’accumulent dans les organismes vivants.
  • -  Les groupes industriels exercent le pouvoir qui devrait être exercé par les élus.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Localement :

La commune de La Couronne est un cas concret de cumul de facteurs négatifs pouvant influer sur la santé de la population. Ils sont caractérisés par la volatilité des pollutions :

  • -  La nationale 10 et ses 14000 poids-lourds par jour.
  • -  L’effet poussière du transport de calcaire broyé.
  • -  Les activités agricoles -viticulture et céréales.

Les actions mises en œuvre par la commune font l’objet d’un regard bienveillant de la population mais celle-ci semble résignée face à certaines problématiques environnementales. Aussi, l’action publique se heurte-t-elle à une grande difficulté concernant la perception des dangers à long terme. Si dans la commune une atteinte à l’intégrité physique des personnes est due à la vitesse en ville, la population réagit, demande et soutient des mesures pour faire face à ce danger. Il n’en va de même avec des dangers lointains du quotidien. Les pesticides, on n’en meure pas tout de suite !

Les actions portées par la commune visent à lutter contre tout ce qui peut porter atteinte à la santé. Adhésion à « Terre Saine », gestion différenciée des espaces verts, restauration collective, politique d’achats publics, formation du personnel, ...

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La Couronne est une ville active PNNS (plan national nutrition Santé) afin de promouvoir une alimentation saine et équilibrée ainsi qu'une activité physique régulière, pour rester en bonne santé.

Le PLUI de GrandAngoulême :

Le PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable) du PLUI promeut une politique de santé et une agriculture durable intégrées, y compris pour définir les zonages. Les règlements d’urbanisme devraient prendre en compte les dangers potentiels pour la santé - dont l’exposition aux pesticides -et générer des mesures prescriptives élaborées en concertation. Ainsi des zones pourraient être « sanctuarisées ».

Le cadre législatif :

Les lois sont créées pour l’élaboration des règles qui régissent le vivre ensemble. Et dans « vivre ensemble » il y a d’abord « vivre ». Vivre en bonne santé. L’OMS définit le mot santé : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ». De son côté la Charte de l’environnement adossée à notre constitution stipule dans son article premier : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. »

Dans ce cadre général et dans cette perspective, la transition vers la sortie des pesticides doit être mise en œuvre localement dans le cadre de concertations intégrant des objectifs à atteindre et des calendriers à respecter.

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ENTRETIEN AVEC MADAME MARIE-HENRIETTE BEAUGENDRE - Présidente de la Commission Environnement et préservation des ressources et MONSIEUR JERÔME SOURISSEAU - Président de la commission Solidarités territoriales, économie, agriculture et enseignement supérieur

Conseil Départemental de la Charente

Le 12 novembre 2018

Est également présent : Monsieur John Bergeron - Chef du service agriculture, aménagement rural et environnement.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Le Conseil départemental reconnaît une prise de conscience collective des problèmes environnementaux et fait référence aux pratiques relevant de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises). Toutefois notre société se doit d’intégrer le facteur « risque ». Vivre c’est prendre des risques. Concernant les pesticides, il reste prudent sur la détermination des sources d’émissions qui sont multiples, agriculture, industrie, artisanat, domestique. Il partage la partie descriptive des constats et ajoute les pollutions émergentes, résidus médicamenteux rejetés par les stations d’épuration quand il s’agit des médicaments prescrits aux humains. Ces constats doivent être mis en perspective d’une approche globale qui ne focalise pas sur la seule agriculture. Les agriculteurs sont montrés du doigt comme s’ils étaient les seuls responsables, alors que les citoyens consommateurs ne maîtrisent pas leurs comportements. Le Conseil départemental dit vouloir tendre vers une agriculture et une alimentation, plus respectueuses de la santé et attend des particuliers une plus grande responsabilité. Leurs comportements et leurs choix ne sont pas neutres quant à l’usage des pesticides.

Parmi les constats il faut intégrer la déloyauté des marchés qui place nos agriculteurs dans des situations de concurrence intenable. La question de la taxation à l’entrée de produits en France se pose.

Le conseil départemental estime que les choses vont dans le bon sens et qu’il faut utiliser le moins possible les pesticides. Pour cela, il est essentiel d’accompagner les agriculteurs.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Déjà le Conseil départemental conditionne ses aides à des actions alternatives, à la mise en valeur des produits, au développement du maraîchage notamment auprès de la Chambre d’agriculture. En aidant la Maison de l’Agriculture Biologique il contribue au développement de l’Agriculture Biologique et par conséquent à la réduction des pesticides. Il est signataire du programme RE-SOURCES, contribuant ainsi à la réduction des intrants à l’amont des captages d’eau potable. La question reste celle de la diffusion de ces alternatives et de la contagion dans les pratiques. Pour autant, il n’est pas possible de se passer des pesticides pour tout.

L’agriculture ce n’est pas seulement produire et sa dimension sociétale (les paysages, l’aménagement du territoire, ...) devrait être prise en compte par la société et accompagnée financièrement sous forme de contrats passés avec les agriculteurs. Le Conseil départemental contribue au développement des haies à raison de 15km/an. Les PLUI peuvent rendre obligatoire des plantations de haies simultanément aux nouvelles habitations. Le Conseil départemental a acté la réhabilitation des centres bourg, permettant de développer le bâtit hors des surfaces cultivées.

Le laboratoire départemental est en cours d’équipements complémentaires qui vont lui permettre d’analyser les pollutions émergentes présentes dans les eaux.

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ENTRETIEN AVEC MADAME JOSIANE VINUESA

Présidente de la Société Charentaise d’Apiculture

Le 23 novembre 2018

Madame Vinuesa précise que les principales missions de la Société charentaise d’Apiculture sont la promotion, la formation et l’information.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Madame Vinuesa nous dit que de nombreuses personnes constatent des anomalies et des troubles de santé concernant la population vivant en milieu agricole mais qu’il est difficile d’établir des causes. La question se pose de la réelle volonté de pointer du doigt les responsabilités dans la mesure où sont remis en cause les pratiques agricoles et l’urbanisme intégré au milieu rural.

Elle fait le lien entre la question des maisons voisines des espaces agricoles et son cas personnel. Elle habite le quartier Saint-Cybard à Angoulême et a découvert fortuitement la pollution de la SAFT qui la concerne directement. Quand elle a acheté il y a trois ans, elle n’a reçu aucune information du notaire. Elle pose donc la question des règles d’urbanisme et de l’information à faire auprès des acheteurs de maisons.

Concernant les pratiques agricoles ayant recours aux pesticides, elle distingue les utilisateurs tout à fait informés de la dangerosité des produits, de ceux qui n’ont pas une réelle connaissance de la composition et des effets des produits utilisés. La question se pose de savoir si les agriculteurs sont mis en situation de pouvoir réellement utiliser leur esprit critique. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, il fallait nourrir le pays, il fallait produire, nous nous sommes engagés dans le productivisme et nous n’avons pas su dire « stop ».

Les liens entre certains chercheurs et des firmes fabricantes et distributrices de pesticides amènent à se poser la question de l’intégrité du monde de la recherche. Cette suspicion est dommageable à la qualité du débat public.

Quant aux firmes elles bravent les interdictions de certains produits en remplaçant le produit nommé par un produit avec un autre nom pouvant avoir les mêmes effets sur l’environnement. Les intérêts financiers sont tellement importants et la chaîne des responsabilités tellement lourde qu’on se demande comment arriver à une situation raisonnée. Pour ce qui est des protocoles d’analyses réalisées, ils ne sont pas accessibles en raison de l’argument du secret industriel.

Concernant l’étude du CNRS et du MNHN elle ajoute que les abeilles (tout comme les oiseaux) sont des sentinelles de l’état de l’environnement et cite le cas de la perte de deux ruchers (50 ruches) installés à proximité d’un élevage de bovins traités aux insecticides. L’hypothèse avancée suppose que les abeilles ont bu sur les plantes, dans les flaques et les mares polluées par ces insecticides et ont été empoisonnées. En l’absence d’informations fiables sur l’usage et la localisation des produits de synthèse nous ne savons plus où installer nos ruches.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Madame Vinuesa pose plusieurs questions :

  • -  Les pôles de toxicologie sont connus des professionnels utilisant les produits de synthèse, mais qu’en est-il de la population ?
  • -  Que deviennent les informations détenues par les médecins ?
  • -  Qui collecte les informations sur ces sujets et comment les rendre publiques ?

Elle regrette que nous ne commencions à agir que quand se manifeste un effet d’accumulation de cas dramatiques. Il faudrait agir avant.

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Elle pense que de nombreuses personnes concernées par ce sujet (agriculteurs, habitants, élus, ...) n’osent pas en parler de peur d’être marginalisés. Elle fait le parallèle avec son engagement au sein de l’ONG « Soroptimist International » au sein de laquelle elle s’engage dans des actions de défense des droits de la femme et de l’enfant. Elle y constate l’efficacité des lieux de parole où l’on peut parler, se libérer sans être jugé, sans être remis en cause, sans que soit introduit le doute sur la crédibilité des propos tenus. Elle pense que des lieux de cette nature devraient exister pour accueillir des personnes souhaitant s’exprimer sur l’usage des pesticides.

Elle propose, concernant l’usage des pesticides :

  • -  De sensibiliser les élus à la problématique « santé-environnement ».
  • -  D’imposer aux maires d’informer les habitants.
  • -  D’imposer aux notaires l’obligation d’informer les acheteurs de maisons.
  • -  Un organisme de collecte des informations à l’usage des consommateurs (ARS ?).

Enfin, elle pense que la sortie des pesticides se fera doucement, que nos sols sont appauvris et qu’il faut que nous retrouvions des terres vivantes.

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ENTRETIEN AVEC MADAME OPHELIE ROBINEAU Directrice de l’association PHYTO VICTIMES Le 7 décembre 2018

L’association a été créée en 2011 par des professionnels victimes des pesticides. Deux constats ont alors prévalu. Les produits chimiques utilisés en agriculture ont un impact sur la santé et faire reconnaître l’état de maladie professionnelle relève du parcours du combattant. Elle a pour objet d’accompagner les victimes, de faire reconnaître les maladies professionnelles et d’informer sur les effets des pesticides sur la santé. De fin 2011 à fin octobre 2018 l’association a traité 406 dossiers dont 79 en Nouvelle- Aquitaine. Ils concernent la maladie de Parkinson, les lymphomes non hodgkiniens, les lymphomes hodgkiniens, les cancers de la vessie, de la prostate, du poumon, les leucémies, l’hyper sensibilité aux pesticides. Pour les riverains qui contactent l’association la bascule est faite vers l’association « Générations Futures » ce qui n’empêche pas « Phyto Victimes de faire de la médiation.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Madame Robineau dit partager les constats présentés. Elle ajoute :

  • -  Les riverains sont également les familles des professionnels et sont impactés par les mêmes pathologies.
  • -  De nombreux autres professionnels sont concernés en milieu agricole ou non. Tous les métiers liés à l’agriculture, les techniciens des expérimentations ou des chambres d’agriculture, les salariés des coopératives agricoles, de la Fredon, des laboratoires, de l’Inra, des collectivités locales, les vétérinaires. Mais aussi, les paysagistes, les professionnels du bâtiment, et les personnes qui utilisent des produits chimiques pour les usages domestiques. A ce propos il est regrettable qu’il n’y ait pas d’harmonisation entre le régime agricole et le régime général concernant l’harmonisation des tableaux décrivant les pathologies.
  • -  L’association est contactée par des maires en cas de conflit entre agriculteurs et riverains. A ce propos, il manque des moyens de communication entre agriculteurs et riverains.
  • -  Pour l’utilisation des produits, des protocoles existent mais ils ne sont pas toujours respectés.
  • -  Concernant les médecins leur manque de connaissances dû à l’absence de formation dans ce domaine ainsi que leur manque de connaissance sur ce qui peut être fait sont un véritable

problème.

-  Enfin, la sensibilisation aux effets des pesticides n’existe pas alors qu’elle devrait exister depuis

le plus jeune âge.

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

Ce qui est positif :

  • -  La question « santé-pesticides » est maintenant sur la place publique.
  • -  Des études se mettent en place (encore faut-il qu’elles ne conduisent pas à des études qui elles-

mêmes conduisent à d’autres études, qui elles-mêmes ... et ainsi le temps passe sans prise de

décision).

-  L’information existe mais elle est difficile à trouver.

-  Des chartes de bonnes pratiques se mettent en place entre professionnels et habitants des

territoires.

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  • -  Des agriculteurs seuls ou organisés en groupes font évoluer leurs comportements vis-à-vis des riverains (changer les pratiques, prévenir avant les traitements, poser des manches à air, poser des filets antidérive, ...).
  • -  Les contraintes réglementaires peuvent être positives si elles sont prises en lien avec les acteurs des territoires.

Ce que nous préconisons :

  • -  Le retrait des CMR (cancérogènes, mutagènes, reprotoxiques) et des perturbateurs endocriniens.
  • -  L’information et la formation dans le scolaire quelque soit le niveau d’étude.
  • -  L’accompagnement individualisé des agriculteurs car les changements de pratiques relèvent de

cheminements individuels.

-  Le confinement ou des zones tampons en cas d’intoxications aigües (mais ce n’est pas suffisant).

-  La transparence concernant les autorisations de mise sur le marché des produits en permettant

l’accès aux données brutes. Confier ces démarches à des organismes indépendants.

-  La mise en place de dispositifs permettant d’entendre les craintes des uns et les contraintes des

autres afin qu’ensemble des mesures à prendre puissent être décidées.

-  La prise en compte réelle de la problématique « pesticides » dans les politiques d’urbanisme.

-  La formation des médecins et plus particulièrement des généralistes.

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ENTRETIEN AVEC MONSIEUR JEAN REVEREAULT
Vice-président de GrandAngoulême, chargé de la transition écologique et énergétique
Le 10 décembre 2018

Est également présent monsieur Boris Le Joly responsable du service Développement Durable.

Monsieur Jean Révéreault présente le contexte de la communauté d’agglomération. Les politiques décidées et menées par GrandAngoulême, sont le résultat d’un travail partagé avec les communes. De ce fait la communauté d’agglomération jour un rôle incitateur et démultiplicateur. Concernant la problématique des pesticides les compétences de la communauté d’agglomération sont assez réduites et peuvent concerner plusieurs politiques.

1 – Concernant les constats présentés par le groupe de travail SANTE-PESTICIDES

Les constats présentés sont partagés. Pour la communauté d’agglomération la problématique « pesticides » est directement liée à « la terre et le vivant ».

Des constats spécifiques à GrandAngoulême peuvent être listés :

  • -  Les décisions en matière d’urbanisme ont un énorme impact sur le vivant et doivent intégrer la question des pesticides mais aussi de tous les polluants (déchets, gaz d’échappement, ...).
  • -  À la suite du passage d’un PLUi (plan local d’urbanisme intercommunal) à 16 communes à un PLUi à 38 communes, le territoire intercommunal sera ruralisé.
  • -  En lien direct avec cette problématique, dans une France qui est habitée partout, l’enjeu des politiques foncières est sous-estimé.

-

2 – Concernant ce qui est fait et/ou pourrait être fait

  • -  Comme toutes les collectivités, la communauté d’agglomération applique l’obligation réglementaire d’interdiction des pesticides.
  • -  Un groupe d’élus a été créé pour traiter de la transition écologique et énergétique.
  • -  Les déchetteries réparties sur le territoire jouent leur rôle dans l’amélioration de l’information

et du traitement des produits phytosanitaires.

-  La communauté s’est autosaisie de la question de la santé. Le rapport adopté traite un peu des

liens entre santé et environnement.

-  L’alimentation en restauration collective et la qualité de la nutrition sont des entrées qui

permettent une évolution des pratiques agricoles.

-  L’espace « test » sur la commune de La Couronne consacré au maraîchage fait avancer les

choses dans le domaine des pratiques naturelles.

-  La loi « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) » a pour

conséquence la gestion par la communauté d’agglomération du « grand cycle de l’eau » et donc de la prise en compte de la protection de la ressource (voir compétence de l’urbanisme évoquée précédemment).

-  Dans ce cadre le programme «Eau et bio» accompagné par la fédération régionale de l’agriculture biologique (FRAB) la présentation de techniques agronomiques a permis des échanges intéressants entre agriculteurs.

-  Pour agir il faut comprendre et connaitre; il manque des dispositifs d’observation qui permettent un accès aux données favorisant l’implication des citoyens.

-  Les lois ne sont efficaces que si elles ont fait l’objet de concertations et si les décrets d’application sont pris.

-  Une société a besoin de règles de vie qui affranchissent la population des dangers. Des cadres garantissant la bonne santé de tous sont donc nécessaires.

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© Chris Morrow 2017